UNE DROLE DE JUSTICE Sylvie Thenault

Le fait de ne pas reconnaître que les combats menés en Algérie constituaient bien une guerre à comporté quelques inconvénients majeurs.  Par exemple, les combattants du F.L.N. ne pouvaient, du même coup, bénéficier du droit de la guerre.

La justice française dut alors se livrer à quelques contorsions. C'est devant des tribunaux correctionnels que passent les " fellaghas", considérés comme des accusés de "droit commun".

Quant à la justice militaire, elle est obligée de faire appel à des nombreux magistrats civils rappelés sous les drapeaux. Dans la vaste système de répression qui se met en place en Algérie, la justice se voit alors privée de son droit de regard sur les arrestations, les gardes à vue, des détentions et les interrogatoires pratiqués par l'armée.

En s'appuyant sur des archives, jusque-là inaccessibles, de l'armée de terre ( instructions, directives, fihes de renseignements ...) et du ministère de la justice, notamment la correspondance édifiante entre les procureurs généraux d'Algérie et la Chancellerie parisienne, l'auteur de ce livre, met au jour une justice amputée et réformée par les législations d'exception, une "drôle de justice", à l'image de la "drôle de guerre", que fut la guerre d'Algérie.

Le mérite de l'ouvrage, c'est qu'il permet de comprendre sereinement, sans céder au "devoir de mémoire" culpabilisant, ce que fut cette période de violence extrême et quel fut le rôle du pouvoir politique, au-delà de celui de la justice, au-delà de celui de l'armée.